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Mesdames et Messieurs les membres de la famìlle du Général Nguyen van Hinh, Messieurs les Officiers généraux, Mesdames et Messieurs les membres des corps constitués et des associations d’anciens combattants. Mesdames et mes chers camarades. La confiance que mes compagnons d’armes, comme le modeste commandant que j’ai assumé jadis dans l’armée vietnamienne me valent aujourd’hui le redoutable honneur de prononcer l’éloge funèbre du général Nguyen Van Hinh. Une mission pour laquelle on n’a pas le moindre droit à l’erreur. Certes cette cour d’honneur des Invalides est un lieu que fréquentent volontiers les vétérans du corps expéditionnaire d’Extrême Orient et qui me rassure par sa solennité. Nous étions là le 7 Mai dernier pour honorer les souvenirs des héros de Dien Bien Phu, auxquels on a associé les hommes du 5è «Bavan» issus pour bon nombre de l’escadron parachutiste de la garde du Sud Vietnam. Bien des années avant, nous étions venus ici même pour un dernier adieu au Président Nguyen van Tam, l’ancien chef du gouvernement central vietnamien. Celui qui avait su être le tigre Cay Lay au temps de la résistance contre les Japonnais, puis le Clémenceau de son pays aux côtés du Maréchal de Lattre de Tassigny. Aujourd’hui nous sommes réunis sur cette esplanade des sacrifices pour saluer une ultime fois celui qui au dictionnaire de la renommée pourra prétendre à la mention enviée de fils du précédent. Pour les spécialistes de la symbolique militaire il aura eu aussi la qualité sans égale d’avoir porté les casquettes étoilées des forces armées nationales vietnamiennes puis celle d’un poste hautement qualifìé de l’aviation française. Cette prodigieuse aventure avait commencé avec sa venue au monde le 20 Septembre 1915 à Thang Tam en Cochinchine . Pour les habitués du calendrier lunaire on était à ce moment dans l’octave du 8ème jour du 8mois de l’année du chat. Un signe qui conférait à son bénéficiaire une propension aux larges espaces et à la maîtrise de sa pensée. Le statut particulier de son pays l’avait fait naître de surcroît sujet français. Un terme que l’on n’ose plus guère prononcer aujourd’hui mais qui était alors un titre de noblesse, comme il l’était chez nous du temps de nos rois. Cette situation permettrait à ceux qui voulait bien en accepter les risques et les devoirs, d’accéder à la citoyenneté de plein exercice et de briguer les plus hautes responsabilités. C’est le choix qu'avait fait à Tayninh le président Nguyen van Tam et dont sa descendance s’était prévalue à son tour. C’est comme cela qu'à la faveur de l’enthousiasme suscité par l’exposition coloniale de 1931 le jeune Nguyen Van Hinh était venu en France pour suivre l’enseignement des plus prestigieux de nos établissements scolaires. Les classes préparatoires du lycée Louis le Grand lui permettrons alors d’entrer le 1er Octobre 1936 à la toute nouvelle école de l’Air. C’est à Versailles entre les quartiers des petites écuries et la base de Villacoublay qu'il gagnera les grades de coporal et de sergent que l’on estimait indispensable à une carrière prometteuse. Breveté pilote le 11 Octobre 1937, ce brillant élève ơfficier optera pour l’aviation de bombardement. Un choix qui n’était pas sans risque quand certains de nos appareils encore mal au point étaient qualifìés de cercueils volants. Promu sous-lieutenant le 1er octobre 1938, alors que bien des nuages s’amoncellent sur la France, il sera affecté à la 23 ème escadre à Toulouse où il obtiendra le 6 octobre 1939 la qualification de Chef de bord. Ce sont dans ces fonctions qu'il participera aux opérations du printemps de 1940 sur le théâtre d’opérations nord-est et sur le front des Alpes. Il sera cité et décoré de la croix de guerre pour avoir le 18 juin réussi à sauver l’équipage de son avion en flamme. Avec son deuxième galon obtenu le 1er Septembre 1940, le Lieutenant Nguyen van Hinh fera partie de ces équipages que quelques chefs prévoyants vont essaimer aux quatre coins de l’empire. Il arrivera à Bamako pour la Noël de cette année tragique, après un voyage passablement chahuté. En Janvier 1942, il passera du Soudan au Sénégal pour être à Thiers l’officier de renseignements du groupe II/62. Après l’arrivée des Allìés en Afrique du Nord, il sera affecté comme capitaine à l’école de l’Air de Marrakech . Sa tâche d’instructeur accomplie, il trouvera en avril 1944 avec sa venue au groupe de bombardement 1/32 un domaine à sa mesure. Les opérations du corps expéditionnaire d’Italie, puis celle du débarquement de Provence témoignent de ses qualités de pilote leader, puis de chef d’escadrille. Il sera cité deux fois à l’ordre de l’Armée et fait Chevalier de la Légion d’honneur, il sera décoré en plus de L’Air Médal de l’US Army. Après la capitulation du 3ème Reich, il sera en Allemagne occupée le chef du 3èmme Bureau de la 34 ème escadre aérienne. Delà, il s’en ira en 1946 suivre les cours du centre supérieur aérien avant de rejoindre le bureau des transmissions de l’état major de l’Air à Paris. Avec sa promotion au grade de commandant en Mars 1948 il quittera les arcanes de la place Balard pour le groupe de transport 2/62 alors basé en Algérie. La page suivante de ses activités sera consacrée au Vietnam où la présence des communistes chinois aux frontières du Tonkin a sérieusement aggravée la situation. Chargé de son arrivée en octobre 1949 du 3ème bureau commandant de l’Air en Extrême Orient, il ne tardera pas à prendre la mesure du péril. Il sera encore mieux placé pour cela, quand avec les épaulettes de Lieutenant Colonel, il deviendra le directeur du cabinet militaire de l’Empereur Bao Dai. C’est donc tout naturellement que l’on pensera à cet homme talentueux pour le rôle de Chef d’Etat Major Général des Forces Armées nationales vietnamiennes, lorsque « le roi jean » ne verra d’autre façon de contrecarrer la montée en puissance du Vietminh. Dans cet emploi, il ne tardera pas à être aux prises avec bien des difficultés quand on décidera en 1951 de faire avec quelques dizaines de milliers de soldats aux origines varìées un ensemble interarmes de 142000 hommes à même de rivaliser avec les meilleures troupes du corps expéditionnaire. A ce projet déjà ambitieux s’en ajoutera un autre dès l’année suivante avec la perspective de disposer aux approches de l’année 1954 de 80 bataillons d’infanterie et d’autant de formations « khinh quan » avec l’appui de 9 groupes d’artillerie et 10 escadrons blindés. Si l’aide américaine permettait honorer tant bien que mal, avec l’arrêt des opérations en Corée, les besoins en matériel de cet armada, la situation était tout autre avec l’encadrement. Pour cela, on ne disposait au départ que d’une douzaine d’officiers supérieurs et d’environ deux cents lieutenants et capitaine hâtivement formés. Cependant ce miracle humain était en bonne voie de réalisation si le plan Navarre n’était venu disperser les efforts entre la cuvette de la Nam Ou et la zone littorale d’Atlante. Après les accords de Genève et la partition du Vietnam à la façon de l’Allemagne la guerre des sectes viendra hélas ajouter à un quìtte ou double hasardeux le contrepoids suicidaire de querelles fraticides. Tiraillé dès le mois d’octobre 1954 entre les intrigues byzantines du gouvernement Ngo dinh Diem et les incitations à une prise du pouvoir par l’armée, le général Nguyen van Hinh restera dans légalité. Le transfert le 13 décembre 1954 au M.A.A.G du général O Daniel de nos dernières responsabilités au sein de l’armée vietnamienne lui ôtera ses ultimes illusions. Il en sera de même de son temps d’expectative parmi les seigneurs de la guerre du Transbassac. Durant ces déroutantes aventures il avait ajouté néanmoins à l’état signalitique de ses services la rosette d’officier de la Légion d’honneur et la croix de guerre des TOE avec deux palmes. Il s’était vu conférer aussi la cravate de l’ordre national du Vietnam et la croix de la vaillance avec une citation à l’ordre de l’armée. Le 7 Mai 1955 le Lieutenant colonel Nguyen van Hinh qui a rendu ses étoiles aux nouveaux maîtres de Saigon retrouvera sans complexe l’ambiance plus feutrée de la base aérienne 117. Il s’y occupera bien entendu des dernières relations avec les états assocìés dont les dossiers font peau de chagrin. En 1956, il aura l’occasion de repartir d’un autre pied avec ses affectations au centre d’essai en vol de Brétigny et au polygone des expérimentations aériennes de Mont Marsan où il recevra son 5è galon. Pour s’être recyclé aux techniques nouvelles le colonel Nguyen van Hinh se verra confier en 1960 la direction de poste commandement avancé de Colomb- Bechar. Un lieu où il faut à la fois lutter la rébellion algérienne et assumer le soutien logistique des sites d’expérimentation du Sahara. Il sera cité par deux fois à l’ordre de l’armée pour sa participation active aux opérations de nettoyage de Sahara. Cette croix de la valeur militaire à deux palmes sera bientôt suivie de sa promotion en Août 1961 au grade de commandeur de la Légion d’honneur. Après avoir reçu feuilles de chêne et étoile d’or le 1er Mars 1962, le Général Nguyen van Hinh tiendra durant deux années le rôle de sous chef à l’état major des armées où l’on s’attèle à bien des réformes profondes. Après un passage remarqué au centre des hautes études militaires en 1964, il sera promu l’année suivante au grade de Général de division Cet avancement flatteur l’amènera en 1968 à la tête de la Direction central du matériel de l’Armée de l’Air. Un poste qui compte parmi les grands commandements au moment où il faut répondre à l’arme nucléaire et de l’arrivée en unité d’aéronefs performants. Placé en 1970 dans la position de congé du personnel naviguant, après avoir reçu la plaque de grand officier du mérite, le Général Nguyen van Hinh passera dans la 2è section le 19 septembre 1975. Cela ne signifiera pas pour autant sa mise sur l’aventin. Il sera longtemps encore un expert écouté dans le domaine de l’armement. Il participera activement à la vie associative des anciens équipages des «Marauders». Il prêtera toujours la plus vive attention à ses anciens subordonnés des forces armées nationales vietnamiennes et aux tribulations qui seront les leurs après la chute de Saigon. Toutes ces activités militaires et sociales lui vaudront d’accéder au 2000à la dignité de Grand Croix de l’Ordre national du Mérite. Il s’éteindra le samedi 26 Juin dernier à l’hôpital Foch après un ultime combat contre l’âge et de la maladie. C’était le 9è jour du 5è mois de l’année du singe, un animal facétieux dont on doit toujours redouter les foucades. Aux militaires dont je suis aujourd’hui le porte parole , le général Nguyen van Hinh laissera le souvenir d’un chef entreprenant et courageux, mêlant harmonieusement la technique ,et la modernité tout en gardant le sens de l’Etat et le respect de l’ordre établi. Il ajoutait à ses qualités foncières un sens de l’humour qui lui a permis de se sortir de bien de mauvais pas. Aussi le modeste lieutenant du quartier de Vaico que j’ai été vous adresse t-il, mon général, un dernier salut. A mon geste j’associe tous les obscurs et les sans grades de mon unité. Ceux qui s’appellaient Kheo, Ngo, Truong, Trôc ou Pho et dont j’ai partagé les espoirs et les peines dans une guerre que nous n’aurions pas dû perdre./. Le Général Beaudonnet
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