Chapitre IX - Document C

Les pages suivantes sont des extraits traduits du journal de Vương Luyện, un chef adjoint de peloton appartenant au 32è Régiment ANV. Luyện est aussi un membre du Parti Communiste et commence à écrire son journal depuis le 26 août 1964, quand son unité commence à quitter Nord Vietnam pour l'infiltration dans le Sud Vietnam.

Ce journal est seulement un parmi d'innombrables d'autres capturés par les Forces ARVN et US pendant les grandes batailles de Pleime, Chu Pong et Ia Drang.

Ces pages sont sélectionnées parce que l'auteur a écrit plus régulièrement et avec davantage de détailles que les autres, en particulier au sujet de l'embuscade sur la Route Provinciale #5 de Pleiku à Pleime. Elles couvrent la période du 16 octobre au 10 novembre, la préparation pour l'embuscade, l'échec du VC et leur repli déprimant aux montagnes de Chu Pong.

Le 16 Octobre 1965

Mon unité a été en marche vers la Campagne de Hiver-Printemps et en mouvement pendant deux jours. J'étais si occupé hier que je n'ai pas pu trouver le temps pour écrire mon journal. Aujourd'hui, j'écris ces lignes pendant la sieste et au côté d'un petit ruisseau au fond de la jungle. Les deux derniers jours furent une série de privations. Les hommes du C3(1) sont bien inférieurs à ceux de C1 dans les opérations. J'ai eu de nombreux troubles avec les retardataires toute la journée. J'étais toujours à leur côté pour les exhorter, pour transporter leur matériel pour eux mais ces gars irresponsables continuent à traîner à l'arrière. La route ne présentait pas beaucoup de difficultés et je m'étais demandé pourquoi nos hommes étaient si faibles. A certain moment, il y a 1/4 de l'unité qui tombait en arrière. Aujourd'hui quelques escouades sont 80 % de retardataires. Il est vraiment difficile pour moi et le chef de peloton d'être ensemble seuls. Je n'ai pas encore été équipé avec armes et munitions mais normalement je dois porter deux fusils. Je me sens vraiment fatigué mais dois faire efforts parce que qu'est-ce que je peux faire autrement? Mon amour pour mes camarades d'armes m'ordonne de faire ainsi. Je crois fermement que je suis encore capable d'endurer et ne pas désespérer en face des preuves. Il est presque temps de reprendre la marche. Je dois être prêt avec mon sac à dos. Mon cher journal, souhaitez-moi le succès!

Le 19 Octobre 1965

L'unité entière arrivait à la position vers cinq heures dans l'après-midi d'hier et aujourd’hui depuis l'aube nous continuons à creuser nos positions et de nous tenir prêts pour le combat. Le premier jour de notre embuscade pour attendre l'ennemi est terminé et rien ne s'est arrivé; mon peloton est isolé dans cette forêt avec assez de surprise et secret en notre faveur. Il n'y a personne d'autre pour nous aider, moi et le chef de peloton, et ainsi nous deux sommes à tout temps occupés. Nous devons creuser nos propres positions et en même temps contrôler l'exécution de nos hommes. Je me sens très triste lorsque je me rappelle de ce qui s'était passé hier. Seulement une heure après notre départ, quelques hommes dans mon peloton se traînaient en arrière et j'ai incessamment dû être à leur côté. Parmi les trois retardataires, il y avait un connu par moi comme T2(2) et cela me rend difficile de l'accepter. J'ai porté pour lui le sac à dos mais quand même il était incapable de marcher. Ce fut vraiment un jour pénible; j'ai dû collecter les hommes malades puis m'efforcer de rattraper l'unité et ainsi jusqu'à 2 heures dans l'après-midi. Ce fut jusqu'à 11 heures la nuit que tous les retardataires finalement se sont présentés. Il est malchanceux pour le second peloton. Ce qui arriverait lorsqu'il est temps de combattre? Si cette situation continue, j'ai peur que la mission ne serait pas accomplie.

Le 21 Octobre 1965

Les unités amies ont commencé à attaquer de nouveau le Poste de Me(3) mais aucune activité ennemie n'a été rapporté. Il y a tout juste quelques hélicoptères volant autour. A 7 heures du soir, la première information rapporte que 44 véhicules ennemis sont en train de se préparer pour le secours. Nous attendions avec trépidation toute la nuit; rien n'apparaissait sauf les avions d'éclairage. Quant à aujourd'hui, tous les hommes sont sous tension et constamment prêts à partir. Dans le ciel, toute sorte d'avions: jets, chasses, cargo, reconnaissance, volent sans répit. Entre 8 et 10 heures, il y a jusqu'à 50 sorties d'hélicoptères dans la direction du Poste de Me. Qu'ils apportent des renforcements ou effectuent simplement une diversion, aucune confirmation est donnée. Nous recevons aussi des rapports que sur le sol, 3 Bataillons américains, deux Bataillons de Rangers et trois compagnies de Forces Régionales sont sur le chemin pour le secours. Ils tirent continuellement des deux côtés de la route, leurs mitrailleuses et mitraillettes font beaucoup de bruit et il semble que l'affrontement s'est survenu. Est-ce qu'ils viennent dessus l'un de nos éléments? A 11 heures, 29 chars sont rapportés s'avançant dans le champ de bataille. Je suis en train d'écrire dans un silence complet: pas d'avion dans le ciel, par de coup de feu sur le sol et pas d'information sur l'ennemi. Est-ce qu'ils manœuvrent de nouveau? Dans les quelques heures suivantes, feront-ils un assaut? Le troisième jour sera-t-il un jour monotone avec sa nonchalance? J'espère que d'ici jusqu'au soir, je pourrais écrire dans ce journal quelque information importante, quelque succès. Je viens juste d'arrêter d'écrire lorsque des rapports viennent disant que l'ennemi est en train de prendre le reps à A-Di (?) en ce moment. Il se pourrait qu'ils résument leur déplacement après cela.

Le 23 Octobre 1965

Tandis que j'écris ce journal, les avions ennemis survolent très bas. Parfois ils baissent jusqu'au niveau des sommets d'arbres mais ils ne voient rien. En ce moment le peloton entier attend l'ordre de commencer l'assaut. Tous les équipements nécessaires sont à portée des mains, et une fois l'ordre est donné, nous allons. L'information du haut commandement avise que le 21è Bataillon de Rangers appartenant au 42è Régiment (?) et une compagnie de chars sont partis. Il est maintenant environ 2 heures, on entend dire que les unités amies sont aussi parties. Surviendra-t-il un combat ou devrons nous attendre de nouveau comme l'autre jour? J'espère de nouveau que dans cet après-midi j'aurai l'occasion de registrer quelque succès dans le journal. A midi aujourd’hui, les avions ennemis effectuent une lourde frappe dans un village dans l'arrière du champ de bataille. Nous pouvons entendre distinctivement le bruit fait par leurs bombes et roquettes.

Nous dépensons tout le jour d'hier dans l'attente comme nous sommes en train de faire en ce moment. Soudainement à deux heures et demi, l'ordre de départ est donné. Je pense que "on y est là" mais ce n'est qu'une alerte: le bataillon nous ordonne de creuse des positions alternatives. Nous finissons le travail à 7 heures. Sur le chemin vers nos positions primaires, il fait très sombre et nous nous égarons pendant un bon moment.

Le 24 Octobre1965

Finalement nous les avons rencontré! Le 23 octobre, à quatre heures et demi, l'ennemi tombe dans notre champ de bataille. Mon unité reçoit l'ordre d'ouvrir le feu et de bloquer les deux bouts. Nous arrivons aux positions de T31 vers 6 heures mais tous les deux T(4) n'ont pas trouvé d'ennemi pour engager et ensemble se ruent vers le bout ouvert du champ de bataille. A 7 heures, je suis ordonné de rester en arrière avec A6 (6è escouade) pour sécuriser le flanc de l'unité à l'assaut. Nous venons juste d'établir nos positions lorsque j'ai de nouveau reçu l'ordre de partir en reconnaissance avec l'équipe de reconnaissance. Quand nous arrivons au sommet de la Colline Doc Lap, nous découvrons un poste d'observation ennemie; les soldats ennemis sont en train de creuser leurs positions. Cette nuit-là je suis à la fois chef adjoint de peloton et chef d'escouade de reconnaissance. Après quoi, je conduis l'escouade à une autre position ennemie puis nous nous retournons pour préparer l'attaque. Je ne sais pas quelle heure il est alors. L'ennemi qui est attaqué par un T ami retourne le feu intensément. Ils emploient toutes leurs armes. Nous nous tenons tranquille. Quand le tir est fini mon peloton est ordonné d'avancer le long du côté gauche de la route. Je suis avec le A5 (5è escouade). Après un long déplacement, nous nous arrêtons et attendons l'ordre d'ouvrir le feu. Pas d'ordre est donné. Deux de nos hommes sont envoyés pour établir le contact. Malheureusement ils se sont égarés et nous nous allongeons là jusqu'à l'aube. Nous pensons à nous replier lorsque soudainement nous recevons une volée de feu de mitrailleuses et un obus de mortier de l'ennemi. Nous souffrons 5 victimes, parmi eux, le chef de peloton et un soldat qui a son arme arrachée. Nous leur donnons immédiatement le premier secours et nous nous replions. Mais depuis ce moment nous nous égarons loin de la compagnie. C'est la première fois où je me trouve en charge de l'évacuation des blessés et le commandement de l'unité dans une action séparée. Le chef de peloton, bien que blessé, a pu se retirer pendant le jour avec quelques hommes. Il envoie ensuite un homme pour nous recueillir. Nous arrivons à K5 à midi du même jour, envoyons nos blessés au poste de chirurgie. Le reste de nous portent toutes les armes des blessés sauf quelques-unes laissées à K5. Nous rejoignons notre unité à 7 heures. Nous nous sommes égarés pendant une journée et une nuit et avons mangé pendant tout ce temps seulement du riz cuit. Trois de nos camarades sont encore absents.

Le 26 Octobre 1965

Mon unité se déplace à un autre endroit. Avec ceux qui restent, nous formons un escouade, intégré dans un peloton ami pour préparer au combat. Avec ceux qui retournent de l'évacuation des blessés nous formons aussi un autre escouade et sommes prêts pour la mission. Mais toute la journée, nous ne trouvons rien. Dans le ciel les avions continuent à survoler, innombrables et incessamment. Nos anciennes positions sont touchées par des frappes aériennes, il n'y a pas de victime mais quelque-uns de nos équipements, que nous avons laissés là, sont endommagés. A 6 heures, je traverse la route avec le 6è escouade pour recueillir le peloton ami à l'autre côté. C'est jusqu'à 2 heures du matin que nous retournons finalement. Nous n'avons rien mangé et ne faisons que dormir. A l'aube, nous nous hâtons de préparer de coordonner avec la Compagnie C. Les avions ennemis continuent à survoler; les hélicoptères s'abaissent en masse jusqu'aux sommets des arbres; les jets aussi et les Dakotas de même.

Le 27 Octobre 1965

Le 6è escouade est intégré dans le 3è peloton hier après-midi. J'ai maintenant seulement le 4è escouade et ensemble avec le 1er peloton, nous sommes attachés à T32 afin d'accomplir la mission. Je suis envoyé en reconnaissance la nuit dernière. Le champ de bataille est relativement très large. Nous faisons une reconnaissance très soigneuse. Le chef adjoint du peloton de B1 est revenu. Je ne suis plus seul; j'ai maintenant quelqu'un pour m'aider. J'accomplirai certainement la mission. A midi, je retourne à notre ancienne position pour récupérer les équipements des blessés. Ce matin deux retardataires sont revenus, le troisième est toujours manqué. Je suis en train d'écrire ceci au côté d'une piste dans la jungle, qui vient tout juste d'être touchée par les frappes aériennes ennemies. Les avions continue à survoler et survoler.

Le 29 Octobre 1965

Ainsi le mois d'octobre est bientôt fini. Le temps passe si vite et nous avons juste un seul combat. Nous attendons pour l'ennemi mais jusqu'à 11 heures ce matin, nous continuons à avoir zéro résultat. A quatre heures et demi hier après-midi, nous sommes ordonnés de partir. Au même moment, il commence à pleuvoir. Ce serait une bonne occasion pour nous d'effectuer une attaque. Nous sommes seulement à mi-chemin lorsque nous sommes ordonnés de nous arrêter. Puis soudainement nous recevons l'ordre de nous replier! C'est bien triste! L'une après l'autre, nos colonnes retournent à leur point de départ. Nous commençons tout juste de dormir lorsque les ordres d'alerte pour une attaque sont donné. Mais finalement rien ne s'est passé. A 5 heures nous nous déplaçons de nouveau. A mi-chemin nous nous replions puis avançons de nouveau. Quand nous sommes près du champ de bataille, l'ennemi y est là déjà. C'est la première fois que je vois les APCs M113 mais pas très clairement, ces véhicules sont en colonnes le long de la route tandis que les troupes ennemies se déplacent autour. Cette fois il y aurait un grand combat; nous ne faisons que d'attendre. Puis soudainement et finalement, nous sommes ordonnés de nous replier pour laisser le boulot aux éléments de canons sans recul et mortiers. Quand nous atteignons nos positions, il ne se produit encore rien. Un moment après les éléments de canons sans recul et mortiers retournent aussi. Les résultats demeurent toujours zéro. Quelle situation décourageante! Deux fois déjà! Qu'est ce que les échelons haut gradés sont en train de planifier! Nous sommes maintenus prêts à une attaque éventuelle.

Le 30 Octobre 1965

Nous tous croyons que l'ennemi a finalement disparu complètement. Nous sentons très triste, en particulier ceux du 33è régiment qui jusque là n'ont rien accompli. Je sens de même. Vers 2 heures, je suis envoyé avec une équipe au Village Ga pour l'approvisionnement de riz. Au même moment il y a des rapports qui disent qu'un bataillon de Rangers est en train de s'avancer à pied vers le champ de bataille. Je regrette d'être envoyé en détachement mais continue à exécuter les ordres. Nous sommes en train de marcher pendant deux heurs lorsque soudainement nous sommes ordonnés de retourner en hâte pour prendre part dans une attaque. Nous tous courrons en hâte au retour et atteignons nos positions tard dans l'après-midi. Comme l'unité a déjà parti, nous devons courir de nouveau pour les rattraper. Mais à mi-chemin, l'unité est sur son chemin de retour! Hélas, c'est la troisième fois que ceci est survenu! Tout le monde a pensé qu'il ne serait rien depuis notre départ; et c'est vrai! Mon peloton doit se déplacer à la périphérie parce qu'il y a déjà deux pelotons à l'intérieur. De nouveau, nous devons creuser les tranchées de combat.

Le 2 Novembre 1965

Pendant trois nuits consécutives nous nous déplaçons. Nous marchons à travers la nuit, n'avons pas le temps de dormir pendant le jour. En même temps nous devons creuser des tranchées de combat et être prêts pour le combat. L'ennemi est astucieux. Ils lancent leurs troupes dans notre arrière pour nous créer des troubles. Dans les derniers jours, des hélicoptères de toutes sortes ensemble avec des avions de chasse et jets survolent tout temps au-dessus de la région. Ils bloquent aussi audacieusement nos axes de déplacement afin de kidnapper nos cadres et soldats. Nous retournerons pour protéger nos bases et nous vengerons!

Le 4 Novembre 1965

Nous atteignons notre base hier après-midi. Je rencontre un homme qui est du même village que moi. Il a été ici pendant plusieurs mois et a participé à un combat récent. A travers sa conversation il semble que son morale est un peu bas. J'ai dû l'encourager. Je dois continuer à l'aider afin de prévenir des incidents regrettables. Des hélicoptères en masse continuent à survoler. Où vont-il débarquer?

Le 10 Novembre 1965

Je n'ai rien écrit depuis six jours. Notre unité s'est déplacer à l'avant pour ré-approvisionner de la nourriture et munitions mais à cause des activités de l'ennemi, nous avons seulement pu obtenir une petite quantité de riz. Le soir du 6 novembre, je vais avec 10 hommes au village Ga pour collecter du riz. L'ennemi vient juste de quitter le village dans l'après-midi et nous devons être très prudents. Nous retournons à l'unité à 7 heures le jour suivant. J'ai été pris par la fièvre depuis. C'est la première fois que ma température monte jusqu'à 40 degrés. Heureusement elle s'abaisse graduellement et je puis retourner à mon unité à l'endroit où nous avons quitté un mois auparavant.

Le bois aux alentours a été lourdement détruit par les frappes aériennes ennemies. Nous pouvons rester ici pour quelques jours puis résumons notre mission. Ceci est seulement la fin de la première phase et pas de toute la campagne. Mais en bref pour la première phase nous n'avons pas obtenu de résultats majeurs.


̣(1) For the sake of security and brevity, VC units’ size is designated by a letter: squad by A, platoon by B, company by C and so on. (T.N.)
(2) T2 is not a proper name and allegedly means in the context "faithful element" (to the Party).
(3) So called by VC instead of "Post of Pleime".
(4) "T" allegedly designates a battalion but the unit mentioned here remains unidentified.

generalhieu