Possiblement Un Saint ?

Je suis Quan Minh Giau, ancien Colonel de l'ARVN, et je voudrais dédier quelques lignes de pensées au sujet du Général Nguyen Van Hieu, un camarade de promotion que j'ai connu, aimé et respecté. Je l'ai connu pour avoir vécu pendant un certain temps avec lui dans la même brigade à l'Académie Militaire de Dalat et plus tard pour avoir travaillé ensemble au 3ème Bureau de l'Etat Major Général.

Parmi les cadets, Hieu était plutôt taciturne, affable et jovial, jamais vulgaire et querelleur. Toutes ses actions, même les plus insignifiantes, étaient imprégnées de perfection. J'avais l'impression qu'au dessous de sa sobriété, son affabilité et sa solennité se cache une âme forte et résolue et qui se dirigeait vers un idéal élevé.

Si les actions insignifiantes révèlent à un certain degré le caractère d'un individu, alors je me rappelle encore quelques anecdotes parmi les myriades comportements de Hieu pendant la période d'entraînement. Fréquemment, en fins de semaine, se déroulaient les inspections des quartiers, uniformes, équipements, armes de chaque cadet. L'inspecteur était le Capitaine de Taine, commandant de la Division des cadets. Dans une inspection, la paire de brodequins de Hieu a été utilisée par le Capitaine De Taine comme l'exemple type du polissage. En réalité, une paire de bottes de n'importe quel cadet a été polie complètement à la surface supérieure, mais si on examine de près la semelle, la majorité contient des traces de poussières aux alentours des clous. Mais celle de Hieu était scintillante de haut en bas!

Pendant l'inspection, les commandants de l'Académie faisaient également attention à la propreté aux alentours des dortoirs et en particulier des toilettes. Quand venait le tour de la corvée de l'équipe de Hieu, je notais que celui-ci se portait volontaire à assumer le boulot le plus ingrat, celui de nettoyer le parquet en ciment en utilisant une immense serpillière attachée à une canne en forme de T. Tout d'abord verser l'eau, ensuite essuyer et brosser et finalement sécher. Avant l'heure d'inspection, si quelqu'un entrait pour se laver les mains et répandait de l'eau sur le parquet, Hieu essuierait sans dire un mot.

Envers les amis occasionnels ou intimes, Hieu se montrait également affable et patient. Une fin de semaine, nous étions en permission. Hieu m'invitait à aller visiter la plantation de thé d'Entreray par moto bicyclette louée dans le centre de la ville de Dalat. En toute honnêteté, je ne savais pas monter une mobylette; j'avais essayé une fois et n'avais pas réussi, mais quand Hieu m'invitait et promettait de me l'apprendre, j'avais envie d'aller. Ainsi, nous prenons chacun son engin, mettons en marche les moteurs, et Hieu m'indique les changements de vitesses, la manière à appuyer sur l'accélérateur, etc... Et il roule lentement au devant, et moi derrière ! En chemin, quand nous engageons sur certaines pentes, je cale le moteur à plusieurs reprises! Hieu se ralentit et me signale quand je dois rétrograder, à la 2ème, à la 3ème, et quand je dois revenir à la 1ère. C'était bien laborieux, mais enfin nous sommes arrivés à notre destination et sommes revenus sain et sauf. Pendant le trajet, Hieu s'est montré jovial et patient, il ne dénote aucune plainte ou impatience à propos de ma maladresse.

Le temps passait vite, le jour de la sortie de l'école, les nouveaux diplômés s'éparpillaient dans tous les coins du pays, j'ai retenu l'image de quelques amis remarquables dans ma mémoire, et parmi eux Hieu occupait une place privilégiée.

Après le découpage du pays, je suis transféré au 3ème Bureau de l'Etat Major Général, responsable de la section de Recherche; pas longtemps après, Hieu est aussi arrivé ici en tant que Chef Adjoint. Je suis très content de notre réunion. La première chose que je dénote est qu'il demeure le même dans son comportement, comme d'antan. A l'époque, au 3ème Bureau où nous travaillons ensemble, je remarque que Hieu est très intelligent et diligent, vif et rapide en prenant des décisions concernant les affaires stratégiques. Tout le personnel le respecte. Parfois pendant la pause de midi, il s'arrête par mon bureau ou j'entre dans le sien pour parler de la famille, société, opérations militaires...Un jour, il me dit: "Je fais tout mon possible pour me rapprocher d'un saint, mais je n'y parviens pas". Depuis les jours à l'Académie Militaire de Dalat, j'avais noté que Hieu était un homme d'idéal, ce jour-là j'ai compris que cet idéal se situe dans la stratosphère divine, visant à la perfection spirituelle dans la vie afin d'être au plus près de Dieu. Un tel idéal est le moteur de toutes ses actions.

Après son affectation au 3ème Bureau/EMG, Hieu a été transféré à un autre poste. Je n'entendais plus parler de lui jusque qu'au jour où j'ai appris qu'il était devenu Commandant d'une Division. La dernière fois où j'avais l'occasion de le rencontrer était quand il passait par l'Etat Major Général pour quelques affaires.

Puis à la stupéfaction de tous, Hieu est parti subitement pour de bon. J'ai été présent à son enterrement au cimetière militaire, dans ma tête tourbillonnaient une multitude d'interrogations à propos de son départ prématuré, aujourd'hui même je n'ai pas encore trouvé de réponses satisfaisantes. Mais je suis certain d'une chose: Hieu est avec Dieu, celui qu'il avait toujours aspiré d'être au plus près, en essayant de mener une vie parfaite, visant au bonheur infini réservé à tous ceux qui ont de la ferme volonté de répondre à l'appel du Sauveur. Là où Hieu se trouve à présent, je suis convaincu qu'il continue à intercéder pour ses proches et il n'oublierait également pas ses camarades de promotion qui avaient le même idéal de servir leur pays bien-aimé.

Quan Minh Giau
Austin le 23 octobre 1999

Révisé le 23.09.2003

generalhieu