Le Tandem Militaire Tri-Hieu

Le Général Do Cao Tri remarque immédiatement les talents militaires exceptionnels, bien que cachés, chez le Général Hieu, dès qu’ils se rencontrent la première fois à l’Etat Major Général, situé à Cho Quan en mars 1955, au moment où le Commandant Tri amenait les unités de parachutistes de Nhatrang à Saïgon. Environ ce temps-là, le Premier Ministre Ngo Dinh Diem était en train de chercher le moyen de s’en débarrasser de la secte Binh Xuyen qui contrôlait la Force de Police et Sûreté du Sud dans la Capitale de Saïgon. Il cherchait l’avis de Monsieur Nguyen Van Huong, le père du Général Hieu, ancien Directeur de la Police et Sûreté du Nord qui récemment s’était immigré au Sud. Monsieur Huong avait une connaissance approfondie des capacités réelles de cette force Binh Xuyen, et conseille qu’il suffirait de faire venir les unités parachutistes de Nhatrang pour réussir à l’écraser. A la suite de l’effet de son conseil, Monsieur Huong a été récompensé avec la position de Directeur Général Adjoint de la Police Nationale, assistant au Général de Division Nguyen Ngoc Le. A l’époque, le Capitaine Hieu était Chef Adjoint du 3è Bureau. Tous deux émanaient une apparence de noblesse: Tri, provenant d’une famille riche de Bien Hoa; et: Hieu, provenant d’une famille de bourgeoisie à Shanghaï. Sans doute, les deux employaient le Français lorsqu’ils discutaient le plan pour pacifier la secte des rebelles Binh Xuyen dans la cité de Saïgon. Après la pacification, Tri a été promu Lieutenant Colonel en mai 1955, puis Colonel vers fin 1955.

En octobre 1957, lorsque le Général Tran Van Don monte à Danang pour assumer le commandement du 1er Corps d’Armée, le Colonel Tri et le Capitaine Hieu l’accompagnent au Centre Vietnam; Tri, en tant que Commandant Adjoint du 1er Corps d’Armée, et Hieu, en tant que Chef d’Opérations/3è Bureau du 1er Corps d’Armée.

En mai 1963, lorsque le Commandant Hieu retourne au Vietnam après un stage d’études à l’US Army Command and General Staff College aux Etats Unis, le Colonel Tri, Commandant de la 1è Division d’Infanterie, le nomme Chef d’Etat Major de la 1è Division. A l’époque, l’atmosphère de la Cité Hue est échauffée par la lutte des boudhistes réclamant le droit de déployer les drapeaux bouddhistes à leur gré, alors que le règlement du Gouvernement Central stipule que le drapeau national doit occuper une position prédominante. Selon M. Nguyen Tran, Tang Ngoc Tieu, ancien Directeur du Bureau d’Information de Hue dit que (Công và Tội: Những Sự Thật Lịch Sử, 1999) le 7 mai 1963, il reçoit un télégramme envoyé de Saïgon par le Ministre d’Information et le transmet au 5è Bureau/1è DI (Bureau d’Information et de Presse), avec le contenu donnant l’instruction que le drapeau national devrait occuper la position centrale et être placé plus haut que les drapeaux des religions et autres organisations, avec une note grabouillée à la main par le Commandant Hieu comme suit, à transmettre au Bureau d’Information pour annoncement. Ceci indique que le Colonel Tri confie entièrement au Commandant Hieu la responsabilité de traiter l’affaire bouddhiste, en particulier à la suite de l’explosion qui a causé la mort de sept personnes lorsque les troupes du Secteur Thua Thien conduites par le Commandant Dang Sy qui agit sous le commandement direct du Général Le Van Nghiem, Commandant du 1er Corps d’Armée, pour disperser les manifestants devant la Station d’Emission Radiophonique de Hue la nuit de la nativité de Bouddha. Après ce grave incident, le Gouvernement Central transfère le plein pouvoir dans l’affaire bouddhiste du 1er Corps d’Armée à la 1è Division d’Infanterie.

Le Commandant Hieu et le Lieutenant Duong Dien Nghi résolvent avec tact tous les problèmes dans cette guerre politico-psychologique et restaurent l’ordre et la sécurité aux résidents de Hue. Comme résultat, le Colonel Tri est récompensé par le Gouvernement Central avec une promotion à Général de Division en juillet 1963. Le 6 novembre 1963, à la suite du coup d’état qui renverse le Président Diem, le Commandant Hieu et le Lieutenant Dien Nghi sont promus Lieutenant Colonel et Capitaine respectivement. Deux semaines après, le Général de Corps d’Armée Do Cao Tri est nommé Commandant du 1er Corps d’Armée pour remplacer le Général Le Van Nghiem par le Comité Militaire Révolutionnaire; le Général Tri immédiatement élève le rang de Lieutenant Colonel de Hieu à Colonel et lui octroie la position de Commandant Intérimaire de la 1è Division d’Infanterie (un fait que très peu de gens ont eu connaissance). Trois semaines après, sous l’instigation des bouddhistes, le Général Tri a dû échanger le ler et le 2è Corps d’Armée avec le Général Khanh; et le Colonel Hieu cède le commandement de la 1è Division d’Infanterie au Colonel Tran Thanh Phong afin d’accompagner le Général Tri à Pleiku dans la position de Chef d’Etat Major du 2è Corps d’Armée.

Tandis qu’il oeuvre à la 1è Division d’Infanterie en tant que Chef d’Etat Major, le Commandant Hieu a eu l’occasion de montrer son talent polyvalent, en particulier dans le domaine de guerre psychologique dans ses relations avec les différents groupes d’étudiants universitaires et bouddhistes et dans le domaine de langues étrangères quand il entre en contact ou donne des conférences de presse aux correspondants étrangers en parfait anglais, français, allemand et chinois. Cependant, là-haut en Pleiku, le Colonel Hieu a eu la première chance de montrer ses talents d’état major en assistant le Général Tri dans l’ébauche du plan de l’opération Quyet Thang 202, attaquant directement dans le bastion VC Do Xa avec une force équivalente à une division. Cette opération militaire démontre au monde entier qui s’inquiète de la diminution en capacité de combat de l’ARVN à la suite du coup contre le Président Diem et des multiples querelles intestines parmi les généraux dans l’Armée, que le leadership militaire vietnamien est capable de vaincre les communistes.

Le Général Tri fait entièrement confiance au Colonel Hieu au point de ne pas limiter sa responsabilité au rôle d’un Chef d’Etat Major, mais de l’étendre en lui délégant plein pouvoir dans l’opération de tout le 2è Corps d’Armée. Il lui délègue même de présider la cérémonie du levé du drapeau chaque lundi matin. Jouissant une confiance totale, le Colonel Hieu ne peut s’empêcher de sentir l’énervement derrière le bureau, et souhaite obtenir une position de combat. En réponse à ce désire, le 10 septembre 1964, le Général Tri nomme le Colonel Hieu Commandant de la 22è Division. Cependant, quelques jours plus tard, le 13 septembre 1964, le Général Duong Van Duc tente un putsch militaire qui aboutit à un échec. Le Général Tri, qui était le beau-frère du Général Duc, est soupçonné faisant parti du coup, et est relevé du commandement du 2è Corps d’Armée. Le Général Nguyen Huu Co le remplace. En octobre 1964, le Général Co ramène le Colonel Hieu à sa position précédente de Chef d’Etat Major du 2è Corps d’Armée.

Le jour où le Général Tri est banni en exile en tant qu’Ambassadeur à la Corée du Sud, le Colonel Hieu et soldat de 1è Classe Duong Dien Nghi (ce dernier a été rétrogradé sous la pression des activistes bouddhistes et du Général Nguyen Chanh Thi, Commandant du 1er Corps d’Armée) s’envolent à Saïgon pour lui souhaiter bon voyage à sa résidence située à 23 Phung Khac Khoan, en dépit des réactions négatives des groups opposants. La cérémonie d’adieu est bien émue car le Général Tri et le Colonel sont tous deux de caractères tendres, bien que l’un soit plutôt extraverti et l’autre intraverti. Le Général Tri s’en va avec la promesse qu’un jour dans un proche avenir, ils se reverront et assumeront de nouveau ensemble le service de l’armée et la patrie.

Quatre années plus tard, le 5 août 1968, le Général Tri est rappelé par le Président Thieu pour commander le 3è Corps d’Armée. A l’époque, le Général Hieu est en train de commander la 22è Division d’Infanterie. Le Général Tri aurait voulu faire venir le Général Hieu au 3è Corps d’Armée immédiatement, mais il s’est heurté à la réticence de la part du Président Thieu. Ce n’est seulement un an après, le 14 août 1969, que le Président Thieu permet au Général Hieu de prendre le contrôle de la 5è Division ; qui devient la tête de lance du 3è Corps d’Armée dans les opérations de nettoyage de l’ennemi aussi bien que dans les opérations à travers la frontière cambodgienne. Le Colonel Nguyen Khuyen, Chef de la Sécurité Militaire du 3è Corps d’Armée écrit:

Lorsque le Général Tri assume la commande du IIIè Corps d'Armée, tout à fait par hasard tous les commandants des trois divisions du IIIè Corps d'Armée étaient diplômés de la 3ème Promotion de l'Académie Militaire de Dalat: le Général de Division Nguyen Xuan Thinh tenait la commande de la 25è Division, le Général de Division Hieu, la 5è Division et le Général de Division Lam Quang Tho, la 18è Divison. Parmi ces trois Commandants, le Général Tri semble préférer le Général Hieu le plus parce que celui-ci a été son Chef d'Etat Major au Ier et au IIè Corps d'Armée en 1963. Pendant le temps du Général Tri comme Commandant du IIIè Corps D'Armée était la période la plus punissante pour les 5è, 7è et 9è Divisions VC, le Général Tri a passé de la posture défensive à celle offensive, forçant les unités VC de la Commande Centrale du Sud au-delà de la frontière cambodgienne. La Zone de Combat Duong Minh Chau, l'Asile Ho Bo étaient rasés à plat et ne constituaient plus comme lieu sûr pour la Commande Centrale du Sud.

En juillet 1970, le Président Thieu convoque le Général Tri au Palais Présidentiel et lui offre la position de Commandant du 4è Corps d’Armée, en remplacement du Général Ngo Dzu, parce que la situation militaire dans la 4è Région Militaire est en train de se détériorer. Il lui promet une autre étoile s’il accepte la proposition. Le Général Tri répond qu’il préfère donner cette étoile à l’un de ses protégés. Le Président Thieu lui demande qui a-t-il en vue? Le Général Hieu, répond le Général Tri. Le Président Thieu ignore la suggestion et plus tard nomme le Général Truong à la tête du 4è Corps d’Armée pour remplacer le Général Ngo Dzu.

En octobre 1970, le Président Thieu écarte adroitement le Général Tri du 3è Corps d’Armée et l’envoie en exile en France pour raison de santé, et le remplace avec le Général Nguyen Van Minh. Dans la lettre datée le 6 juin 1970, le Capitaine Wayne T. Stanley, secrétaire du 3è Bureau des Conseillers Américains du 3è Corps d’Armée, écrit au Lieutenant Colonel John L. Huestis, Fort Braggs, North Carolina: "Le Général Tri continue à diriger la région avec fougue et détermination. Il est maintenant en vacances en Europe et continue à avoir l'intention de rester le chef du 3ème C.A jusqu'à la date fixée pour sa retraite d'ici 18 mois." Après un certain temps, le Général Tri a pu faire des arrangements pour obtenir son retour. Aussitôt que ces pieds se déposent sur la terre natale, il va directement s’installer au quartier général de la 5è Division à côté du Général Hieu. Il menace d’employer la force avec l’aide des unités de la 5è Division. Le Président Thieu est forcé de céder et retourne le commandement du 3è Corps d’Armée au Général Tri.

En février 1971, le Président Thieu convoque de nouveau le Général Tri au Palais Présidentiel et lui faire savoir son désir de le nommer Commandant du 1er Corps d’Armée en remplacement du Général Hoang Xuan Lam, car la situation militaire de l’Opération Lam Son 719 au Bas Laos est en train de se détériorer. A l’époque, le Général Tri et le Général Hieu sont en train d’appliquer le plan Attirer le tigre à descendre de la montagne pour piéger l’ennemi à Snoul, à l’intérieur du territoire cambodgien. Le Général Tri dit qu’il accepterait l’offre à condition que le Général Hieu soit nommé Commandant du 3è Corps d’Armée à sa place. Le Président Thieu n’approuve pas cette condition et lorsque le Général Tri est soudainement tué dans un accident d’hélicoptère le 23 février 1971, il choisit le Général Nguyen Van Minh en tant que Commandant du 3è Corps d’Armée.

En passant en revue les deux décennies (1955-1971) où le tandem Tri-Hieu entretient une proche relation, nous pouvons constater que le Général Tri reconnaît, utilise et promeut les talents militaires exceptionnels du Général Hieu dans le domaine stratégique (état major) autant que dans le domaine tactique (combat). Il n’y a aucun doute que la lutte contre l’invasion communiste serait plus encourageante du côté ARVN, si le tandem Tri-Hieu n’a pas été entravé et mis à l’écart, empêchant ces deux guerriers hors pairs des occasions de déployer leurs talents militaires sur les champs de bataille.

Après l’assassinat survenu le 8 avril 1975, le Général Hieu a été enseveli à côté du Général Do Cao Tri dans la Cimetière Militaire de Bien Hoa. Plus tard, les restes du Général Hieu ont été transférés et gardés à l’église de Tan Dinh.

Nguyen Van Tin
08 août 2005

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