Un Commandant Polyvalent

Dans la lutte héroïque du peuple sud-vietnamien contre la vague rouge du Communisme international, avec l'Armée communiste nord-vietnamien comme fer de lance et le gouvernement d'Hanoi comme laquais poussant les Vietnamiens dans une guerre fratricide, l'Armée de la République Sud-vietnamienne constituait la force principale qui avait la tâche de protéger le reste du monde libre. Bien qu'encore jeune avec des moyens de guerre dérisoires, elle a pu contenir de nombreuses attaques fulgurantes lancées par les troupes du Nord Vietnam. Parfois, elle semble vacillante, et pourtant, en récupérant tant bien que mal sa force, elle a réussi souvent à arracher plusieurs victoires retentissantes. L'ARVN a formé et fourni au pays de nombreux héros qui ont rédigé avec leur sang des épopées inoubliables. Les plus compétents Généraux de l'ARVN ont démontré aux yeux du monde entier, aux historiens futurs et à ceux qui arborent une vue antipathique envers le Sud Vietnam et à des sympathisants communistes, que quand cette armée du Sud a été menée par des chefs compétents, elle devenait une armée efficace capable de protéger le pays.

L'un des Généraux qui ont inspiré le respect et l'admiration de ses pairs et des instances suprêmes du Vietnam a été le Général de Division Nguyen Van Hieu, ayant tenu des postes importants dans l'ARVN, il a été Commandant de la 22ème et de la 5ème Division d'Infanterie (DI), Chef d'Etat Major (EM) de différents Corps d'armées (CA) et Commandant Adjoint de plusieurs illustres Généraux Sud-Vietnamiens. Ses capacités ne sont pas limitées aux fonctions de Commandant de division ou Commandant Adjoint de corps d'armée. Si la plus haute autorité du Sud Vietnam n'avait pas agi selon la ligne partisane, et si elle avait permis à Hieu d'assumer le commandement d'un Corps d'armée, celui-ci aurait accompli de plus grands exploits et aurait contribué davantage à l'efficacité au combat et ainsi, à la sauvegarde du pays.

Le nom du Général Hieu et ses discrètes servitudes au pays ne sont pas bien connus du grand public, ce n'était qu'au moment où il fut confié le portefeuille de ministre délégué à l'anticorruption par le Vice Président Tran Van Huong que les gens ont commencé à le connaître. Avec sa profonde honnêteté et sa franchise, il agit avec détermination dans l'investigation et le déballage au grand jour les méfaits commis par les gros bonnets au Ministère de la Défense, à savoir le détournement du Fonds d'Epargne Militaire. Son action si rapide et son coup d'éclat si mordant ont conduit le Président Thieu, devant le fait accompli à remercier le Ministre de la Défense, le Général Nguyen Van Vy et quelques autres personnalités principales.

La carrière de Hieu ne s'élève qu'à la position de Commandant Adjoint de Corps d'armée puis a été bloqué, parce qu'il n'a jamais voulu "entrer dans le moule". Cependant, le fait qu'il a assuré le poste de Commandant Adjoint consécutivement sous trois différents Commandants du 3ème CA, à savoir les Généraux Pham Quoc Thuan, Du Quoc Dong et Nguyen Van Toan, prouve à quel point sa compétence a été appréciée, celle d'un stratège formidable, indispensable dans l'opération au niveau d'un corps d'armée, en particulier quant il s'agit du 3ème CA, une position clé, le verrou principal qui fait face au déferlement de l'armée nordiste.

Le Général Nguyen Van Hieu n'est pas né dans son pays natal, mais en Chine et grandit à Shanghai, dans la concession française. Il a l'opportunité d'avoir reçu une double éducation, à la fois Occidentale et Orientale, lui permettant de parler couramment plusieurs langues étrangères, en particulier l'Anglais, le Français, l'Allemand et le Mandarin. Il a été également influencé par une éducation religieuse et s'est imprégné de la spiritualité ignacienne. En 1949, quand les communistes chinois s’emparent de Shanghai, il est sur le point d'achever ses études en technologie de première année à l'Université Aurore dirigée par des Jésuites Français. Il a dû interrompre ses études pour retourner au Vietnam avec sa famille sur un navire de guerre français. La connaissance scientifique qu'il avait acquise à cette université et deux ans après, à l'Académie Militaire de Dalat lui ont permis de posséder une connaissance solide de la technologie moderne pratiquée à l'époque par les militaires, tels que la transmission, le génie, l'artillerie, les unités mécanisées et blindées. Par conséquent, quand n'importe quel sujet est abordé au niveau de l' armement, n'importe quel type d'avions, d'équipements de transmission, de chars, même des phonographes ou de l'appareil Polaroïd qui étaient récemment inventés, Hieu les aurait analysé volontiers dans tous les aspects techniques et les aurait expliqué à ses interlocuteurs.

Son père, Monsieur Nguyen Van Huong, à son retour au Vietnam, demeure quelque mois à Saigon, puis monte à Hanoi où il est nommé au poste de Directeur Adjoint du Bureau de la Police et Sûreté du Nord. Plus tard, quand il retourne au Sud en 1954, nommé Directeur Adjoint de la police nationale sous l'égide du Général Nguyen Ngoc Le. En 1950, Hieu s'engage et suit la 3ème promotion de l'Académie Militaire de Dalat. A l'époque, la plupart des instructeurs sont des officiers français. Le Cadet Nguyen Van Hieu est sorti avec un maximum de points, mais a été obligé de céder la place de major à un cadet originaire du Centre, un protégé de l'Empereur Bao Dai. A la sortie, le sous-lieutenant Hieu a été rattrapé par la tuberculose, résultat des efforts physiques importants fournis aux entraînements et les passages fréquents sous la pluie. Il a été confiné à une longue période de convalescence, tandis que ses camarades participent à la bataille de Dien Bien Phu et autres campagnes importantes. En 1954, le nouveau Capitaine Hieu se marie, puis descend au Sud avec sa famille. C'est dans ce milieu que ses talents militaires ont trouvé l'occasion de s'épanouir. Il a été l'un des Généraux qui ont franchi avec succès la hiérarchie militaire non par des exploits aux champs de bataille, mais en exerçant consciencieusement des talents d'état major du niveau le plus bas au échelon supérieur.

Le Général Do Cao Tri, quand il était encore le Commandant du 1er CA a décelé très tôt les capacités du Commandant Hieu et l'a promu au rang de Lieutenant Colonel aussitôt qu'il retourne de l'école militaire supérieure américaine en juin 1963. Il le nomme Chef d'Etat Major du 1er CA par la suite. Un Général extraverti, agressif et intrépide, avec une réputation de play-boy, et un Général modeste, discret, avec une mode de vie simple, s'unissent pour former un duo de leadership militaire formidable. Ils s'éprouvent mutuellement du respect avec une parfaite entente et ont conduit l'Armée du Sud Vietnam vers une ère triomphale en remportant des victoires retentissantes.

Le Général Hieu a été deux fois chargée du commandement de la 22ème DI, l'une des meilleurs unités d'où sont sortis plusieurs jeunes officiers capables et prometteurs de l'ARVN tels que les Commandants de Régiment, les Colonel Nguyen Huu Thong et Le Cau. Pendant qu'il est aux commandes de la 22ème DI, sa franchise et son respect envers les officiers intègres l'a poussé à désapprouver le Général Vinh Loc à propos de la mutation du Lieutenant Colonel Tran Van Hai de la fonction de Chef de Province de Phu Yen à celle de Directeur de l'Ecole de Formation de Rangers à Duc My. Sous l'autorité de ce dernier, la province entière jouit un moment de paix. Les guérilleros communistes n'ont pas pu semer aucun trouble sérieux à cause des opérations de nettoyage répétée. Le Général Vinh Loc l'en veut pour avoir désobéi à son ordre en ne mettant pas les véhicules et la résidence officielle à la disposition de l'une de ses maîtresses quand celle-ci venait visiter Phu Yen.

Le Général Hieu établit une excellente relation avec ses homologues américains dans les régions opérationnelles de la 22ème DI et aussi avec ceux de l'Armée coréenne à Binh Dinh. Une fois, un Général de la Division coréenne vint visiter la 22ème DI. Pendant l'entretien, ce dernier ne cessa de se vanter d'être issu de l'Ecole Supérieure Militaire Américaine, parce que très peu d'officiers coréens ont été admis à la fréquenter. Il demanda à Hieu combien d'officiers dans l'ARVN sont diplômés de cette école. Le Général Hieu poliment répondit qu'il ne sait pas exactement, mais dans la 22ème DI, lui et Lieutenant Colonel Le Khac Ly l'y étaient. Le coréen est extrêmement étonné et immédiatement laisse tomber son arrogance. A partir de ce jour-là, il éprouve de la déférence envers le Général Hieu et aux officiers de l'état major de la 22ème DI. Ç'est pourquoi pendant l'Offensive du Tet 1968, quand environ 200 Viet Cong s'infiltrent et harcèlent la cité de Qui Nhon, à la requête de Hieu, le Commandant de la Division Tigre agit promptement en dépêchant ses troupes pour déloger et éjecter les intrus hors de la ville.

Un autre grand exploit du Général Hieu qui a provoqué l'admiration du Commandant de la 1ère Division de Cavalerie américaine (DCA) dans ses talents tactique et stratégique aussi bien que dans le style de commandement conformément aux manuels de guerre vietnamien a été relaté dans l'opération conjointe vietnamo américano-coréenne de la Griffe d'Aigle 800 en 1967. Selon l'accord sur la stratégie des trois forces alliées, la 22ème DI est chargée de la pacification des quatre districts les plus peuplés au nord de la Province de Binh Dinh: Tam Quan, Bong Son, Phu My et Phu Cat. Les régions du sud comprenant les districts de Qui Nhon, Tuy Phuoc, Phu Phong et Van Canh tombent sous la responsabilité de la Division Coréenne. Les quatre districts à l'ouest d'An Khe, Vinh Thanh, An Lao et Hoai An situés dans des régions montagneuses d'accès difficiles sont confiés à la 1ère DCA avec la mission de chercher et détruire l'ennemi. Les troupes américaines sont extrêmement agressives et pendant les trois premiers jours ont pu détruire beaucoup de caches de vivres et des dépôts logistiques bien fortifiées de l'adversaire dans les régions de Vinh Thanh et Hoai An, cependant le dernier évite tout contact avec leurs unités. Le Commandant américain demande alors à Hieu de détourner la 22ème DI vers An Lao pour grouper avec la 1ère DCA afin d'encercler la 3ème Division Etoile d'Or ennemie. Mais Hieu oppose fermement à la requête, parce qu'il sait que cette Division est en train de manoeuvrer les troupes vers les régions entre les districts de Hoai An et Phu My. Le Lieutenant Colonel Trinh Tieu, chef du 2ème Bureau de la 22ème DI, moyennant d'argent a pu obtenir l'aveu d'un guérilleroViet Cong attestant de la présence des unités de la 3ème Division Etoile d'Or dans les régions opérationnelles de la 22ème DI.

Le Général Hieu s'est fait spécialiste de l'exercice d'attirer l'ennemi hors de sa base pour l'anéantir. Les rats ont très peur de la lumière et du bruit, c'est pourquoi il est très difficile de les faire sortir de leurs trous pour les exterminer. Hieu donne l'ordre au Colonel Bui Thach Dzan, commandant du 41ème Régiment, d'amener avec lui que deux bataillons avec son Poste de Commandement à la zone opérationnelle dès la levée du jour. A 3 heures dans l'après-midi, quand il atteint l'objectif désigné, Dzan fait semblant d'installer ses troupes, préparer le dîner avec un air de nonchalant et creuser des tranchées individuelles pour y passer la nuit. Cette région est infestée d'informateurs ennemis et ceux-ci sans tarder, signalent à la 3ème Division Etoile d'Or l'effectif restreint de cette unité. En réalité, Hieu a prévu en secret un bataillon d'infanterie et deux escadrons blindés à quelque 10 kilomètres de là, hors de toute vue avec la mission de couper le retrait de l'ennemi. Comme il a prévu, vers 2 heures du matin, un régiment d'ennemi attaque farouchement la position du Lieutenant Colonel Dzan persuadé de pouvoir avaler aisément sa proie d'un seul coup de gueule. Les forces de réserve déclenche immédiatement la riposte sous un ciel illuminé par des fusées lumineuses lancées par les hélicoptères de la 1ère DCA et sous les tirs de l'artillerie de la 22ème DI. Utilisant la tactique de marteau et d'enclume, avec les troupes du 41ème Régiment poussant vers l'extérieur, et les troupes de réserves à l'assaut en acculant l'ennemi vers l'intérieur, le régiment de l'AVN est coincé au milieu. Les soldats du 41ème Régiment ont été tout prêt dans une position d'affût, et quand l'ennemi lance la fameuse tactique de vagues humaines, leurs combattants étant à découverts constituent des cibles idéales pour les tireurs du 41ème Régiment. Ceux-ci s'amusent comme s'ils participent à une partie de chasse aux canards. La bataille fait rage jusqu'à 5 heures du matin, quand l'ennemi commence à se retirer en débandade, laissant derrière lui plus de 300 morts et une multitude d'armes brisées et de munitions éparpillées sur le champ. Quinze minutes après, le Général Hieu et le Commandant de la 1ère DCA arrivent par hélicoptère pour inspecter la fin de la bataille.

Ce n'est qu'à ce moment là seulement que ce Général américain se rend compte et admire le coup de maître stratégique et les talents tactiques des Commandants vietnamiens. A l'évidence, ceux-ci ont encore bien de choses à apprendre de leurs homologues Vietnamiens. Le Général américain serre également la main du Lieutenant Colonel Trinh Tieu, le félicite pour avoir réussi à obtenir des renseignements de premier ordre. En effet, c'était sa contribution qui a rendu possible l'obtention de cette grande victoire de la 22ème DI et qui a provoqué tant l'admiration de la part des Généraux américains. Dans le passé, Nguyen Cong Tru, quand il mena la chasse d'un rebelle de la tribu Nung du nom de Van Van, avait également exposé intentionnellement la position de son campement, ordonna à ses troupes de s'adonner à des festivités bruyantes, lui-même s'amusa avec les danseuses pendant des jours et des nuits afin d'insister Van Van à sortir de son repaire pour l'attaquer. Parce qu'autrement Nung Van Van s'enterrerait d'une manière plus habile qu'un rat. Et c'était ainsi que les troupes de Nguyen avaient réussi à vaincre l'ennemi et à capturer Nung Van Van. Le Général Hieu a la réputation d'être un lecteur avide des manuels de stratégie ancienne, aussi bien occidentale qu'orientale. Il s'est indubitablement délecté dans la lecture des exploits militaires de Nguyen Cong Tru.

Le Général Do Cao Tri, dès son arrivée aux commandes du 3ème CA, a franchi le pas en se débarrassant du Commandant de la 5ème DI et le remplacer par le Général Hieu. Ce fut une coïncidence heureuse qui réveilla l'esprit de combat du 3ème CA, et qui contribua à l'accomplissement de mémorables victoires dans les expéditions au Cambodge en 1970. Ces succès sont obtenus grâce en grande partie à la présence des deux grands Généraux, camarades de promotion de Hieu, le Général Nguyen Xuan Thinh Commandant de la 25ème DI et le Général Lam Quang Tho Commandant de la 18ème. Tous ces trois Divisions participent aux opérations au Cambodge et récoltent de grands succès. En janvier 1971, avant d'accepter la proposition du Président Thieu d'aller remplacer le Général Hoang Xuan Lam comme Commandant de l'Opération au bas Laos. Le Général Tri pose la seule condition, que Hieu prenne sa place en tant que Commandant du 3ème CA, parce qu'il croit fermement en la capacité de commandement de celui-ci dans la conquête de l'ouest. Son souhait n'a pas été exaucé car il est soudainement tué dans un accident d'hélicoptère, explosé en plein vol à Tay Ninh. Il est remplacé par le Général Nguyen Van Minh. A partir de ce moment là, la courbe ascendante victorieuse du 3ème CA commence à plonger vertigineusement dans le sens inverse avec une série de défaites. En dépit de cela, les avis des Généraux Thinh, Tho et Hieu tombent dans les sourdes oreilles du nouveau commandant. En plus, le Général Minh avec insolence dissout la 3ème Force de Frappe du 3ème CA, celle qui avait copieusement piétinée à plusieurs reprises les lignes de fronts ennemis à l'époque du Général Tri. L'ARVN a perdu à ce moment là, une machine à broyer, un puissant coup de poing, la cause du cauchemar de l'ennemi. Pendant ce temps, les unités expéditionnaires retournent cahin-caha au pays l'une après l'autre.

Avec la mort du Général Tri, Hieu a perdu en même temps un compagnon d'armes aguerri, un grand complice et un allié puissant qui lui aurait permis d'exécuter un audacieux plan, piéger l'ennemi en l'attirant dans le traquenard et à cette même occasion le forcer à se montrer à visage découvert et enfin de le foudroyer en plein coeur. Selon le plan initial approuvé par Tri, l'Opération Toan Thang 02/71 se déroulerait de mars 71 à juin 1971. Hieu emploierait le 8ème Régiment de la 5ème DI comme appât placé dans la région de Snoul. Dans le cas où la 5ème Division de l'ANV relèverait le défi et enverrait ses 174ème et 275ème Régiments pour attaquer "l'appât", le 3ème CA dépêcherait immédiatement d'une à trois divisions, selon les circonstances, pour encercler et détruire la 5ème Division de l'ANV. En mai 1971, le plan semble marcher à merveille car effectivement, l'ennemi commence à faire des manoeuvres d'encerclement autour du 8ème Régiment à Snoul. Mais malheureusement pour Hieu et le 3ème CA, le Général Tri est déjà au trépas, et le Général Minh ne soutient ce plan qu'à contre coeur. Il hésite entre la pression imposée par ses conseillers américains qui lui suggèrent le changement du plan initial en laissant la 5ème Division de l'ANV de continuer à encercler "l'appât" et ensuite utiliser le bombardement massif des B-52 à la place des éléments terrestres prévu, à savoir la 5ème, 18ème et 25ème DI. Hieu informe le Général Minh que le bombardement tuerait aveuglément les troupes des deux côtés, ce qui serait trop cruel vis à vis des combattants du 8ème Régiment. Il l'avertit que s'il ne peut pas se résoudre à prendre la décision, il devrait immédiatement retirer cette dernière unité avant que l'ennemi l'enserre et alors il serait trop tard.

Minh demeure indécis, jusqu'à ce que la situation devient critique, avec le 8ème Régiment totalement encerclé à Snoul et sur le point d'être anéanti; à ce moment là il se lave les mains et dit à Hieu: "Faites ce que vous voulez." Hieu n'a pas d'autre choix que de s'envoler à Snoul avec son état major et courageusement se pose dans le poste de commandement du 8ème Régiment, pendant les derniers assauts d'ennemi. Une réunion in extremis a été convoquée; le Général Hieu briefe son plan de repli et donne les instructions directement. Sa présence a pour effet de soulever l'esprit de combat de cette unité-appât. En plus, le Commandant du Régiment et son Adjoint resteraient à la tête de leur troupe dans son repli terrestre. Les officiers de la 5ème DI ont démontré leur courage et leur volonté à ne pas abandonner leurs hommes et sont disposés à mourir s'il le faut auprès d'eux. Ils restent tout ensemble et en bon ordre pendant cette manœuvre, couvrant l'un l'autre, en maintenant l'ennemi à distant. Le repli du 8ème Régiment à travers la muraille de feu de l'ennemi et sous des conditions extrêmes constitue en lui-même une prouesse militaire. Avant d'atteindre la frontière, ce régiment a subi la perte d'un tiers de son effectif, son Commandant Adjoint mortellement blessé. Le Général Hieu a réussi à limiter le dégât au minimum. Néanmoins, cela ne l'a pas épargné d'être traduit devant le Congrès pour faire face à une assemblée réquisitoire, et de fournir l'explication de la défaite subie par la 5ème DI. Pas longtemps après, l'Etat Major Général le nomme Commandant Adjoint du 1er CA, sous la tutelle du Général de Corps Hoang Xuan Lam.

Le Général Hieu a eu l'occasion de retourner aux champs de bataille de l'Est pour démontrer ses capacités et pour ajouter davantage de victoires pour l'ARVN après l'Accord de Paris signé le 27 janvier 1973. En 1974, le Général Pham Quoc Thuan est nommé Commandant du 3ème CA par le Président Thieu à la place du Général Minh. Ayant conscient de ses limites, Thuan a été plus sensible que Minh sur les capacités d'autrui. Il réclame coûte que coûte la présence du Général Hìeu à ses côtés comme Commandant Adjoint du 3ème CA en charge des Opérations. Le fait qu'il ait choisi Hieu au lieu d'un membre de sa garde rapprochée comme à l'accoutumée, montre à quel point Thuan apprécie la compétence de ce dernier. Il a besoin d'un stratège pouvant commander efficacement au niveau de Corps d'armée dans la lutte contre l'ennemi et non un Général incompétent et corrompu qui affaiblirait son unité et par conséquent, lui coûterait le fauteuil tant convoité de Commandant du 3ème CA. Cette confiance continue avec l'arrivée du Général Du Quoc Dong et plus tard celle du Général Nguyen Van Toan.

Pendant sa collaboration avec le Général Thuan, Hieu a aidé ce dernier à récolter deux grandes victoires. Nos deux divisions, la 18ème et la 5ème, pénètrent et détruisent la région du Triangle de Fer et notre 5ème DI en compagnie des Rangers et les unités blindées déciment la 5ème Division de l'ANV. Dans ces deux grandes victoires, le Général Hieu emploie la formule du tandem Infanterie-Blindé. Cependant, cette tactique obtient plus de succès sur un espace grand ouvert, dépourvu d'obstacles, en l'occurrence dans les territoires cambodgiens plutôt que dans la densité de feuillage du Triangle de Fer. Dans la bataille de Svayrieng, avec le soutien total du Général Thuan, Hieu lance une opération de grande envergure composée de 20 bataillons d'Infanterie et de Rangers avec l'appui de trois Escadrons Blindés pour encercler la 5ème Division de l'ANV dans les régions de Bec de Canard et d'attaquer frontalement le quartier général de cette unité. Comme résultat, plus de 1000 ennemis tués en action contre moins de cent morts du côté de l'ARVN. Hieu a plus de chance que d'autres Généraux car il a pu mener des batailles dans les grands espaces des territoires cambodgiennes plutôt que dans l'étroitesse terrains du côté vietnamien. Le Général Vinh Loc, qui a été Commandant de corps Blindé de l'ARVN, a écrit le commentaire suivant à propos de l'usage des chars sur le champ de bataille:

Le terrain et l'emplacement de notre pays, au point de vue d'opération de grande envergure, ne fournissent pas les conditions propice pour déployer simultanément trois régiments avec leurs troupes de support. Depuis la création de la Division jusqu'à la débâcle aux Hauts Plateaux, aucune région tactique militaire n'avait lancé une opération qui utilisait une division entière,à savoir les 3 régiments d'infanterie, avec leurs bataillons d'artillerie, de génie et de chars, etc... Même si on le voulait, on n'aurait pas assez d'espace qui permettant le déploiement d'une Division entière, pour ne pas mentionner que très peu de commandants ont pu suivre une formation appropriée dans le commandement de Grande Unité.

Selon Hieu, l'utilisation de la Cavalerie Blindée dans l'attaque obtient un meilleur résultat que celle des hélicoptères d'"Aigles plongeant." Dans cette dernière tactique, l'ennemi peut se disperser aussitôt que les groupes d'hélicoptères apparaissent à l'horizon. Mais avec la formule du tandem Infanterie-Blindé, nos troupes pénètrent jusqu'au sein même de l'ennemi, puis se dispersent aux quatre coins pour attaquer et neutraliser en profondeur les positions adverses. Les unités blindées et mécanisées ont la tâche de transpercer le front ennemi en plusieurs endroits, tandis que l'infanterie mène des attaques camouflées par l'écran de fumée et concentrent leurs forces sur les flancs ennemis. L'armée de l'air bombarde leurs postes de résistance aussi bien que les bases arrière.

Au début d'avril 1975, les colonnes de l'ANV s'enfoncent sur les principales artères pour entrer dans les territoires du 3ème CA. Dans un premier temps, le Président Thieu a l'intention de nommer le Général Hieu au commandement de l'Avant-poste à Phan Rang comprenant les troupes de Parachutistes, de Rangers et de la 2ème DI, mais ensuite pour des raisons inconnues il change d'avis et nomme le Général Nguyen Vinh Nghi à sa place. Tandis que les troupes de l'ANV envahissent les régions de Long Khanh, le Général Hieu, Commandant Adjoint du 3ème CA est en train de concocter une contre-offensive avec l'aide des chars. C'est bien malheureux qu'il n’ait pas pu concrétiser son plan parce qu'il a été mystérieusement tué dans son bureau au quartier général de Bien Hoa le 8 avril 1975.

La mort de Hieu au moment critique du pays a été rapidement éclipsée par les nouvelles défavorables parvenant des champs de bataille. Les gens se souviennent encore de plusieurs anecdotes concernant notre Général, considérant comme honnête, menant un train de vie simple et pieux. Comme celle racontée par le Colonel Trinh Tieu à l'époque où celui-ci servait sous les ordres de Hieu à la 22ème DI. Le Général a donné l'ordre à son chauffeur de retourner une caisse de boîtes de lait condensé au dépôt de l'Unité d'Approvisionnement et de n'accepter que six boîtes constituant le quota de tout soldat. Celle racontée par Colonel Le Khac Ly, le Chef d'Etat Major de la 22ème DI des années 1966-1969. Colonel Ly s'en souvient que le Général Hieu vivait comme un ascète. Il apprécie chaque grain de riz aussi bien que la nourriture qui lui est servi, parce qu'il les considère comme étant un cadeau de Dieu. Il a l'habitude de prendre les repas au mess et refuse d'être traité différemment de ses hommes. Il mange le même menu que ses soldats et n'est pas exigeant à propos de la qualité culinaire. Il achève tous les plats qui lui sont offert à table. Un jour, il aperçoit une mouche morte flottant dans son bol de soupe. Il l'enlève tout simplement avec ses baguettes, et la dépose à côté tout en continuant à consommer son bol de soupe comme si rien n'est arrivé. Une autre anecdote raconte la piété du Général Hieu et sa profonde connaissance des Ecritures Saintes. Un dimanche, pendant la période où il était Commandant de la 22ème DI, tandis qu'il assistait à la messe, le curée soudainement l'approcha et l'invita à s'adresser aux fidèles. Il surprit tout le monde avec un sermon, bien qu'improvisé, mais néanmoins concis, bien construit et rempli de multiples citations bibliques. Autre anecdote : le 12 avril 1972, le Général Hieu entra dans la chambre de Monseigneur Jean Cassaigne, le fondateur de la Léproserie et victime lui même de cette maladie infectieuse à la dernière phase, pour lui décerner la Médaille d'Honneur Nationale de 4ème Classe au nom du Vice Président Tran Van Huong. Cela montre la compassion qu'avait Hieu envers la léproserie et ses victimes.

Ensemble avec les autres Généraux et officiers de tous les rangs et avec les combattants anonymes de l'ARVN qui avaient préféré se suicider que d'affronter l'humiliation de se rendre à l'ennemi, la mort du Général Hieu a été une grande et irremplaçable perte pour le pays et l'Armée de la République du Vietnam.

Et maintenant, que les mânes célestes de tous les grands serviteurs de la patrie - qui sont maintenant considérés comme étant des déistes du Sud Vietnam - tels que les généraux Pham Van Phu, Nguyen Khoa Nam, Le Van Hung, Le Nguyen Vy, Nguyen Van Hieu, le colonel Ho Ngoc Can, le lieutenant Colonel Tran Van Long et tous les Commandants de Régiment, officiers de tous rangs, combattants anonymes de l'ARVN, - aient pitié du triste sort dans lequel leur peuple a été réduit à vivre. Qu'ils viennent au secours de ceux qui souffrent et qu'ils leur accordent qu'un jour, la lumière revient vers les hommes honnêtes et droits, qu'ils fassent disparaître cette obscurité mensongère, qu'ils éliminent cette force maléfique et qu'ils réduisent à néant cette oppression insoutenable afin que le peuple Sud-vietnamien puissent relever la tête dans la marche vers le nouveau millénaire avec de nouvelles espérances de bonheur, progrès et bien-être.


Pham Phong Dinh
Dien Dan Phu Nu 192-2000

Révisé le 03.11.2003

generalhieu