La Naïveté du Général Schwarzkopf
Dans La Bataille d'Ia Drang

Dans sa mémoire It Doesn't Take a Hero, le Général Schwarzkopf raconte qu'étant commandant, il accompagne la Brigade de Parachutistes ARVN - cette unité ne deviendrait une division qu'en décembre 1965 - dans une opération dans la vallée d'Ia Drang à la fin de l'an 1965. Ci-dessous est son récit:

Les parachutistes étaient signalés de prévenir les régiments nordvietnamiens battus dans la Vallée d'Ia Drang de s'échapper en se retirant au Cambodge. Je suis à moitié dormi dans ma chambre au Manor BOQ après un copieux repas de poulet au curry et de bière quand l'appel vient de me rapporter à l'aéroport. Truong a assemblé une force de frappe d'une envergure plus large que d'habitude composée de quelque deux milles troupes pour aller à Ia Drang le matin suivant, et m'a choisi comme son conseiller.
Nous volons dans des avions de transports à la piste d'argile rouge à Duc Co, mon ancien terrain d'opérations, puis par hélicoptères au sud de la rivière de la vallée. Dès que nous sortons de nos hélicoptères nous sommes engagés dans les escarmouches et des échanges des coups de feu. La vallée est à peu près douze miles de large au point où la Ia Drang coule vers l'ouest se dirigeant dans le Cambodge- et quelque part dans ses miles de la dense forêt le corps principal de l'ennemi est en train de se déplacer. Nous avons dû nous débarquer au nord, et Truong donne l'ordre aux bataillons de traverser l'Ia Drang et prendre positions le long des Montagnes Chu Prong, qui forment une série de crêtes abruptes au sud. Il est fascinant de l'observer opérer. Comme nous marchons, il s'arrêterait pour étudier une carte, et de temps en temps il indiquerait une position sur la carte et dit, "Je veux que vous tirer l'artillerie ici." Je suis sceptique au début, mais fait appel aux barrages; quand nous atteignons les régions nous trouvons des cadavres. Tout simplement en visualisant le terrain et basant sur ses expériences combattant l'ennemi pendant quinze ans, Truong démontre une capacité étrange de prédire ce qu'ils sont en train de faire.
Quand nous campons pour la nuit, il ouvre sa carte, allume une cigarette, et dessine en grandes lignes son plan de bataille. La bande de forêt entre notre position sur les crêtes et la rivière, il explique, crée un couloire naturel-la route que l'ANV prendrait presque certainement. Il dit, "A l'aube nous enverrons un bataillon et le met ici, à notre gauche, comme une force de blocage entre la crête et la rivière. Vers huit heures demain matin, ils feront un grand contact avec l'ennemi. Puis j'enverrai un autre bataillon ici, à notre droite. Ils feront contact aux environs de onze heures. Je veux que votre artillerie soit prête à tirer dans cette région devant nous," dit-il, "et puis nous attaquerons avec notre troisième et quatrième bataillons en descendant vers la rivière. L'ennemi sera alors coincé avec la rivière à son dos."
Je n'ai jamais entendu quelque chose de pareille à West Point. Je pensais, "Qu'est-ce que c'est que huit heures et onze heures? Comment puisse-t-il prévoir une bataille de cette façon?" Mais je reconnaissais également les grandes lignes de son plan: Truong a réinventé les tactiques qu'Hannibal avait utilisées en 217 avant J.C quand il enveloppait et anéantissait les légions romaines sur les rives du Lac Traisimene.
Mais, Truong ajoute, nous avons un problème: les parachutistes vietnamiens sont appelés dans cette campagne à cause du souci de l'autorité que les forces américaines dans la poursuite de l'ennemi pourraient s'aventurer trop près de la frontière cambodgienne. Il dit, "Sur votre carte, la frontière cambodgienne est localisée ici, dix kilomètres à l'est où elle apparaît dans la mienne. Afin d'exécuter mon plan, nous devons utiliser ma carte plutôt que la vôtre, parce que autrement nous ne pouvons par aller assez loin pour établir notre première force de blocage. Ainsi, Thieu ta Schwarzkopf"-thieu ta est le Vietnamien pour "commandant"-"qu'en pensez-vous?"
La pensée de permettre à l'ennemi de s'échapper dans un sanctuaire jusqu'à ce qu'il devienne suffisamment fort pour attaquer de nouveau me donne du mal à l'estomac comme à tout soldat. Quelques uns de ces garçons sont les mêmes que j'ai fait face quatre mois auparavant à Duc Co; je ne voulais pas avoir à combattre contre eux de nouveau quatre mois plus tard. Alors pourquoi devrais-je supposer que ma carte soit plus exacte que celle de Truong?
"Mon avis est que nous utilisons la frontière de votre carte.
Longtemps après qu'il a donné ses commandes d'attaque, Truong s'assoie fumant ses cigarettes et étudiant la carte. Nous révisons le plan à maintes reprises tard dans la nuit, visualisant chaque étape de la bataille. À l'aube nous envoyons le 3ème Bataillon. Ils prennent position et, comme prévu, à huit heures ils appellent et rapportent lourd contact. Comme Truong a prédit, dans la forêt au-dessous de nous l'ennemi s'est heurté contre le 3ème Bataillon à la frontière et décide, "Nous ne pouvons sortir par ce chemin. Rebroussons chemin." Cette décision viole le principe fondamental de fuite et d'évasion, qui est de prendre la pire route possible afin de minimiser le risque de rencontrer un ennemi en attente. S'ils avaient grimpé les Montagnes Chu Prong pour sortir de la vallée, ils auraient pu s'échapper. Au lieu de cela, ils ont suivi le bas terrain, comme Truong a anticipé, et maintenant nous les avons coincés. Il me regarde et dit, "Tirer votre artillerie." Nous bombardons la région au-dessous de nous pour une demi-heure. Puis il ordonne à ses deux bataillons restants d'attaquer vers le bas de la colline; il y a beaucoup de tirs comme nous les suivons vers le bas.
Vers une heure, Truong annonce, "Bien. Arrêtons." Il choisit une petite éclaircie bien charmante, et nous essayons avec son état major et prenons le déjeuner! A mi-course du repas, il dépose son bol de riz et donne l'ordre dans la radio. "Qu'est-ce que êtes en train de faire?" Je demande. Il donne ordre à ses hommes de fouiller le champ de bataille pour les armes: "Nous avons tué beaucoup d'ennemis, et ceux que nous n'avons pas tué ont jeté leurs armes et ont couru la queue entre les pattes."

Et dire, il n'a rien vu! Toute l'action a été cachée par la forêt. Mais nous demeurons dans l'éclaircie pour le reste du jour, et ses troupes rapportent en plein bras des armes et les entassent en face de nous. J'étais tout exalté-nous avons remporté une victoire décisive! Mais Truong s'assoie tout simplement, fumant ses cigarettes.

Le Général Schwarzkopf a été hypnotisé par la capacité du LTC Truong de sentir les positions de l'ennemi, alors qu'il ne voyait rien. Chaque fois que Truong lui ordonne de tirer l'artillerie dans la jungle, il le fait avec grande précision. En plus, il n'arrive pas à comprendre comment il était possible à Truong d'anticiper les sentiers de retrait des troupes ennemies, puis de les bloquer en deux bouts afin de les coincer contre la rivière d'Ia Drang. Le Commandant Schwarzkopf de l'an 1965 et même le Général Schwarzkopf de nos jours - il publie son mémoire en 2002 - présume avec naïveté que simplement en visualisant le terrain et soutirant de son expérience de combat avec l'ennemi pendant quinze ans, Truong démontre une capacité bizarre de prédire ce qu'ils vont faire.

Si en fait le LTC Truong, lorsqu'il reçoit l'ordre d'amener ses troupes de Saïgon aux Hauts Plateaux à la rechercher des troupes ennemies dans leur repli au Cambodge, choisit lui même les zones de débarquement au milieu de l'immense jungle du massif Chu Pong, flaire lui même les troupes ennemies en mouvement, anticipe lui même les sentiers de retrait de l'ennemi et établit lui même les emplacements d'embuscade, de la façon dont le Commandant Schwarzkopf décrit, alors Truong était vraiment une commandant exceptionnel avec un sixième sens incomparable. Néanmoins, la réalité n'est pas telle.

Le Général Schwarzkopf était bien naïve croyant que le LTC Truong agissait en son gré lorsqu'il conduisait les bataillons de parachutistes vietnamiens dans l'Opération Than Phong 7(*). En réalité, il exécutait simplement les ordres issus de l'Etat Major du 2è Corps depuis le commencement jusqu'à la fin de l'opération. Il est impensable que le LTC Truong ait pu posséder la capacité surhumaine de sentir les troupes ennemies en mouvement sous le couvert de la dense canopée des régions du massif Chu Pong.

Soulevons le rideau couvrant le mystère du magique show qui a hypnotisé le Général Schwarzkopf dans la vallée d'Ia Drang l'an 1965, en remplissant les failles dans son récit qui est un produit basé sur un mémoire nébuleux avec des détails précis en dates, coordonnées et figures procurées par le Chef d'Etat Major du 2è Corps dans son rapport d'après action Why Pleime.

Le 17 novembre 1965, le commandement du 2è Corps analyse les renseignements et estime que presque 2/3 de la force ennemie ont été balayés dans les batailles de Pleime et Chu Pong, qui durent du 29 octobre jusqu'à 11 novembre. Le Commandement du 2è Corps a aussi demandé à l'US Army faire bombarder systématiquement le massif Chu Pong, de l'ouest à l'est, avec les bombardier B-52, du 15 au 19 novembre, refermant la porte arrière de sortie au Cambodge, laissant ouvert seulement un corridor d'échappement étroit dans la vallée d'Ia Drang aux deux bataillons ANV restants du 32è Régiment ANV 635è et 334è. En plus, le Commandement du 2è Corps continue à insérer des équipes de Rangers des Forces Spéciales au cœur des territoires ennemis pour surveiller leurs mouvements. Ces équipes de Rangers des Forces Spéciales agissent comme yeux et oreilles du LTC Truong.

Le 18 novembre, en quelques heures, le Commandement du 2è Corps fait commande de grands avions de transport C130 de l'US Air Force pour amener le Quartier Général de la Brigade de Parachutistes, le Poste de Commande de la 1è Task Force de Parachutistes avec ses trois Bataillons 3è, 5è et 6è de Parachutistes, et le Poste de Commande de la 2è Task Force avec ses deux Bataillons 7è et 8è de Parachutistes, éparpillés à Saïgon, Bien Hoa, Vung Tau et Phu Yen à Pleiku. Au Quartier Général du 2è Corps, le Colonel Hieu broche le plan de l'Opération Than Phong 7(*) au LTC Truong, lui indique la route d'évasion unique que les VC utiliseraient pour se faufiler au Cambodge et lui présente la carte tactique élaborée par G3/2è Corps - la carte avec la ligne de frontière en désaccord avec celle apportée par le Commandant Schwarzkopf de Saïgon. Le Colonel Hieu avise également LTC Truong que l'opération recevrait le soutien d'artillerie procuré par l'US 1st Air Cavalry provenant des zones de débarquement Columbus et Crooks, la première environ 11 kilomètres sud est et la seconde environ 7 kilomètres nord ouest de la région d'opération.

Le 18 novembre, de 3 heures à 6 heurs après-midi, le Poste de Commande de la 1è Task Force et ses trois Bataillons 3è, 5è et 6è de Parachutistes sont transportés en hélicoptères au zone de débarquement (X84, Y09) dans la partie nord de la rivière d'Ia Drang. Le 3è Bataillon de Parachutistes et le 6è Bataillon de Parachutistes sont immédiatement envoyés à ratisser l'ennemi dans la direction ouest en deux différents axes. En cours de déplacement, le 3è Bataillon de Parachutistes a été discrètement signalé par les équipes de Rangers des Forces Spéciales qu'une force ennemie de la taille d'un bataillon appartenant au 32è Régiment est entrain de le suivre de près.

Le 19 novembre, vers 11 heures, 3è Bataillon de Parachutistes reçoit l'ordre de virer au sud vers une embuscade établie à l'emplacement (X80, Y08) par le 6è Bataillon de Parachutistes.

Le 20 novembre, à 2 heures 40 après-midi, les troupes ennemies entrent au centre même de l'embuscade et est pris dans la mire de feu du 6è Bataillon de Parachutistes. L'ennemi subit environ 200 morts dans cet engagement. En plus, pendant le balayage, le 3è Bataillon de Parachutistes et le 6è Bataillon de Parachutistes ont détruit 3 centres d'entraînement, une cache d'équipements et 75 maisons.

Le 20 novembre, à 5 heures du soir, le 8è Bataillon de Parachutistes est transporté par hélicoptère à l'emplacement (X82, Y07), pour préparer l'insertion du Poste de Commande de la 2è Task Force de Parachutistes ensemble avec le 7è Bataillon de Parachutistes à 11 heures du matin du 22 novembre. Les unités déjà présentes dans le champ de bataille - le Poste de Commande de la 1è Task Force de Parachutistes, le 3è Bataillon de Parachutistes, le 5è Bataillon de Parachutistes et le 6è Bataillon de Parachutistes, se convergent à pieds vers l'emplacement (X82, Y07); vers 1 heure 50 de l'après-midi du 22 novembre, toutes les unités se retrouvent à l'endroit de rassemblement. De là, la Brigade de Parachutiste entière traverse au côté sud de la rivière d'Ia Drang et grimpe une montagne et arrive au sommet à (X81, Y06) vers 11 heures 15 du matin du 23 novembre. Elles font le camp pour y passer la nuit en préparation d'embusquer les troupes ennemies dans le corridor que le Commandement du 2è Corps a prédit que l'ennemi utiliserait pour se retirer au Cambodge le jour suivant. Pendant leur parcours vers le sommet de la montagne, chaque fois que les positions ennemies sont signalisées par les équipes de Rangers des Forces Spéciales, le LTC Truong donne l'ordre au Commandant Schwarzkopf de faire appel au tir d'artillerie sur la tête des troupes ennemies se cachant au devant de son avance.

Très tôt le matin du 24 novembre, le LTC Truong dépêche le 3è Bataillon de Parachutistes à sa gauche pour intercepter les troupes ennemies. Ce bataillon fait contact avec l'ennemi à 8 heures 45; celui-ci rebrousse chemin. Le LTC dépêche le 5è Bataillon de Parachutistes vers sa droite. Ce bataillon fait contact avec l'ennemi à 10 heures 50. Les troupes ennemies sont prises entre deux positions de blocage. Le LTC Truong donne l'ordre au Commandant Schwarzkopf de faire tirer l'artillerie sur l'ennemi pendant un moment - environ une demie heure - puis lance le 7è Bataillon de Parachutistes et le 8è Bataillon de Parachutistes vers le bas de la montagne et coince l'ennemi contre la rivière d'Ia Drang. Dans cet engagement, l'ennemi subit à peu près 65 tués et abandonne à l'arrière 58 armes de toute sorte.

Il est bien vrai que le Général Schwarzkopf était présent dans l'Opération Than Phong 7. Néanmoins, sa participation était celle d'un exclus. Il voyait seulement les actions qui se produisaient sur la scène, mais ne se rendait pas compte de ce qui se passait dans les coulisses. Bien qu'il fût, et soit encore, une militaire, il semble ne pas être capable de différentier entre les deux aspects de contrôle et commandement d'une opération militaire: le LTC Truong commandait l'opération, mais le Commandement du 2è Corps contrôlait l'opération. En plus, il n'avait pas connaissance de la participation active des Rangers des Forces Spéciales dans l'opération. Ces derniers opéraient les missions en top secret et leurs activités étaient rarement mentionnées dans les documents officiels américains aussi bien que vietnamiens. En fait, on doit se fier à un document Việt Cộng pour se rendre compte du rôle furtif des Rangers des Forces Spéciales dans la bataille de Pleime-ChuPong-IaDrang.


(*) Dans le passé, le Commandement du 2è Corps d'Armée a effectué les opérations
- Thần Phong 1, une opération de nettoyage routier de la Route Nationale QL 19, du 16/07 au 25/07/1965, et
- Thần Phong 3, une opération de nettoyage routier de la Route Nationale QL 21, du 19/08 au 02/09/1965.
- Thần Phong 6 commença dans la province de Binh Dinh en mi-octobre 1965 et termina dans la province de Quang Duc le 24 octobre 1965, alors que la bataille de Pleime était en train de se dérouler. commenced in Binh Dinh Province in mid-October 1965 and terminated in Quang Duc Province on October 24 1965, while the Pleime Battle was unfolding.

Nguyen Van Tin
27 avril 2008

(Note ajoutée le 11/5/2011: L'entrée du G3 Journal/IFFV, le 19/19/1965 à 16:55H, indique que la Brigade de Parachutistes ARVN opèrait sous contrôle direct de G3/2è Corps d'Armée pendant l'opération Than Phong 7: "Fwd CP states the elem's in Abn TF area was coordinated at higher levels than Fwd G3. The Abn TF knows about it.").